Je me suis intéressée à ce livre grâce à l'Atlas des Origines de l'Homme de Romain Pigeaud que j'ai lu précédemment. J'ai remarqué le titre de l'ouvrage dont je parle dans la bibliographie de ce dernier livre car il parlait notamment de la question des femmes dans la Préhistoire.
Le but de cet ouvrage collectif est de rester vigilant sur les surinterprétations archéologiques au sujet du genre dans la Préhistoire. Il est constitué de plusieurs chapitres écrits par des auteurs différents. Le premier chapitre constitue la moitié de l'ouvrage et pose les grandes généralités de la réflexion sur le genre dans les études archéologiques. La seconde partie est constituée de cinq petits chapitres sur des réflexions plus restreintes et des études de cas.
Ce qu'il faut retenir du livre, c'est tout d'abord la clarification entre des différences entre les notions de sexe, sexualité et genre. Le sexe est une identité biologique (chromosomique et physiologique), la sexualité concerne les comportements sexuels et le genre intéresse l'identité sexuelle, comportementale et sociale d'un individu. Il est difficile de savoir s'il y avait des différences genrées et, le cas échéant, leur nature dans les sociétés préhistoriques. Si on observe les sociétés humaines du présent ou du passé proche, elles sont toutes organisées sous la domination masculine. Concernant nos plus proches cousins, les singes, leurs sociétés ne sont ni patriarcales ni matriarcales. La reproduction se fait de manière matrilocale, contrairement aux vestiges préhistoriques d'humains qui ont tendance à révéler une reproduction patrilocale. Les femelles ont tendance à s'occuper des petits et les mâles à chasser en groupe voire mener des guerres à d'autres groupes, néanmoins ces comportements ne sont pas systématiques.
Les vestiges archéologiques parlent peu : les ossements révèlent des lésions liées à certaines activités physiques : certains hommes montrent des lésions au coude ce qui est lié sans doute à des pratiques de chasse, mais on ne les retrouve pas chez tous les hommes, ce qui semble signifier que la division du travail n'était pas que sexuée. Concernant le mobilier funéraire, par exemple les armes retrouvées dans des tombes d'enfants ou de femmes, il se pourrait qu'il ne soit que symbolique et ne provoquerait pas forcément refléter les fonctions sociales de l'individu enseveli.
Il faut donc prendre garde aux interprétations venant réveiller les fantasmes du matriarcat et de la femme guerrière: en réalité nous ne pouvons souvent pas privilégier d'interprétation et nous ne le pourrons sans doute jamais. J'ai beaucoup apprécié cet ouvrage qui remettait les pendules à l'heure, alors que les titres de médias qui cherchent le sensationnel sont légions, en particulier sur internet, occultant le travail scientifique des chercheurs et les nuances de leurs conclusions, et parfois repris de manière idéologique... mais nous devons affronter le fait de n'avoir que peu d'informations sur les différences genrées lors de la Préhistoire, ce qui nous laisse une certaine frustration. Comme le rappelle bien dans l'ouvrage Pascal Picq, paléoanthropologue de renom, la séparation des tâches chez l'espèces humaine reste «une innovation propre au genre homo» : il s'agit certainement de chercher plutôt des réponses dans le présent plutôt que dans l'évolution de l'espèce.
Aux origines du genre, collection La Vie des idées chez PUF
Anne Augereau, professeur à Panthéon Sorbonne